Quand sa maman lui annonça quâil allait passer quelques jours chez Tatie Jeanne et Oncle Fernand, LĂ©o fronça les sourcils.
â Mais pourquoi ?
â Câest le temps que je fasse mes examens Ă lâhĂŽpital, mon cĆur. Ce ne sera pas long.
LĂ©o ne rĂ©pondit pas. Il enfonça ses Ă©couteurs dans ses oreilles, lança son jeu prĂ©fĂ©rĂ© sur sa console ultra-mĂ©ga-supra derniĂšre gĂ©nĂ©ration â celle Ă 500 euros quâil ne quittait jamais â et sâenfonça dans le fauteuil arriĂšre de la voiture.
Il ne leva mĂȘme pas les yeux en arrivant dans la vieille maison de campagne.
Pas de Wi-Fi.
Pas de télé.
Pas mĂȘme une prise USB dans la chambre dâamis.
Lâangoisse.
Et le pire arriva.
Quand sa console clignota faiblement, LĂ©o chercha sa batterie portable dans son sacâŠ
Elle nây Ă©tait pas.
â Jâai oubliĂ© la batterie, hurla-t-il.
â Une quoi ? demanda Tatie Jeanne en souriant gentiment, les mains dans la farine.
Oncle Fernand, moustache blanche, voix grave et yeux malicieux, nâavait pas lâair inquiet.
Il lui tapota lâĂ©paule.
â Viens dehors, gamin. Tâas besoin dâattraper un peu de vent dans les cheveux.
Les jours suivants furent⊠étranges.
Oncle Fernand lâemmena pĂȘcher, lui fit goĂ»ter des tomates du jardin, lui montra comment on joue Ă la pĂ©tanque, comment on fait sauter des cailloux sur lâeau, et mĂȘme comment on reconnaĂźt les cris des oiseaux.
LĂ©o sâennuyait, un peu. Mais moins quâil ne lâaurait cru.
Et puis, un matin, Oncle Fernand arriva avec deux bouts de bois, un vieux journal, et de la ficelle.
â Aujourdâhui, on construit un cerf-volant.
â Avec ça ? dit LĂ©o, sceptique.
â Avec ça, oui. Et avec un peu de vent, de soleil et de rire.
Ils passĂšrent la matinĂ©e Ă fabriquer cette chose bizarre et branlante, toute en papier fripĂ© et ficelle nouĂ©e. LĂ©o ne comprenait pas vraiment pourquoi ça le faisait sourire. Peut-ĂȘtre parce que câĂ©tait un truc Ă eux deux. Un truc quâon ne pouvait pas tĂ©lĂ©charger.
Puis vint le moment de le faire voler.
Dans le champ derriĂšre la maison, Oncle Fernand courut dâabord, le cerf-volant claquant dans le vent.
â Ă toi maintenant ! cria-t-il.
Léo courut. Et soudain, il sentit⊠quelque chose.
La ficelle qui tire dans la main. Le vent qui pousse les jambes. Le soleil qui pique les yeux.
Et lĂ -haut, leur drĂŽle de cerf-volant dansait dans le ciel comme sâil avait attendu ce moment toute sa vie.
â On dirait quâil rit, souffla LĂ©o.
â Câest lui⊠ou câest toi qui souris pour la premiĂšre fois depuis trois jours ? dit Oncle Fernand en riant.
Ce soir-lĂ , LĂ©o nâeut pas besoin de console.
Il sâendormit la tĂȘte pleine de vent, de ciel, et de plumes de moineaux.
Et quand sa maman vint le chercher, il lui tendit une boßte à chaussures pleine de ficelles, de papiers pliés, de sourires.
â Câest quoi ? demanda-t-elle.
â Des trucs pour sâamuser, mĂȘme quand on nâa rien. Sauf un oncle un peu fou et du vent dans le dos.